La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) a présenté ce matin son mémoire et ses commentaires sur le projet de loi 59, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail, à la Commission de l’économie et du travail.

Bien que projet de loi 59 constitue la tentative la plus aboutie pour moderniser le régime de santé et sécurité au travail, la CSD s’inquiète de l’affaiblissement des mécanismes de prévention et de la diminution de la participation des travailleurs aux efforts de prévention.

Un meilleur accès aux mécanismes de prévention au détriment des moyens

Le projet de loi 59 a pour effet d’étendre des mécanismes de prévention à la majorité des milieux de travail, mais vient également limiter leur portée. Dans les cas où il n’y a pas entente entre l’employeur et les travailleurs, l’employeur pourra décider seul de la fréquence des rencontres du comité de santé et sécurité, ainsi que du nombre d’heures libérées du représentant en santé et sécurité.

Le ministre du Travail de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a fait part de sa volonté d’augmenter la prise en charge de la santé et sécurité par les milieux de travail. Pour la CSD, il ne passe malheureusement pas de la parole aux actes avec son projet de loi.

« Il ne suffit pas de voir nos droits inscrits dans un texte de loi, il faut aussi avoir les moyens de les exercer librement », résume Luc Vachon, président de la CSD.

Une analyse qui sous-estime les niveaux de risque actuels

Les organisations syndicales dénoncent depuis longtemps le fait que les gouvernements successifs n’aient pas eu le courage politique d’étendre la portée des mécanismes de prévention à tous les secteurs de l’économie, seule une faible partie d’entre eux étant couverts, et ce, depuis près de 40 ans.  Mais le ministre propose d’étendre la couverture des mécanismes de prévention et leur force en fonction des risques présents dans les milieux de travail.

La CSD soulève toutefois des réserves sur les méthodes d’analyse pour déterminer le niveau de risque dans le projet de loi 59. Celui-ci a été déterminé en établissant le ratio entre les sommes versées par les employeurs à la CNESST (les débours) et la masse salariale de chaque industrie et en en calculant la  moyenne sur dix ans soit de 2007 à 2016. Procéder de la sorte ne représente pas la réalité actuelle.

« Il y a plusieurs problèmes avec cette façon de faire, mais les deux plus importants sont sans doute les suivants : d’une part, elle évacue complètement les années récentes au cours desquelles on constate une importante augmentation des lésions professionnelles, tous secteurs confondus, à partir de 2015, ce qui produit une sous-estimation des risques. D’autre part, dans les secteurs qui étaient déjà couverts, elle fait en sorte que la qualité du travail du comité de santé et de sécurité, par exemple, pourrait leur faire perdre l’accès aux mécanismes de prévention qui leur ont précisément permis de réduire le nombre de lésions professionnelles dans leur milieu de travail », explique le président de la CSD.

Une porte ouverte pour la médecine privée au détriment de la santé publique

Avec le projet de loi 59, les employeurs n’auraient plus besoin de consulter la santé publique pour élaborer son programme de prévention. Un tel changement a pour impact de se priver de l’apport précieux de la santé publique

« Il faut absolument que le projet de loi soit modifié pour colmater la brèche qui s’ouvre. Sans l’obligation de consulter la santé publique, on perd un apport scientifique impartial majeur. On donne trop de marge de manœuvre aux employeurs qui pourraient se retourner vers le privé et choisir le médecin en fonction de ses intérêts », s’inquiète M. Vachon.

Une liste des maladies professionnelles bâclée

La réforme touche aussi à la réparation professionnelle, à savoir aux services dont les victimes de lésions professionnelles ont besoin quand la prévention n’a pas marché. Un de ses volets comprend les maladies professionnelles qui sont reconnues avoir été causées par l’exercice des certains types de travail. C’est ce qu’on appelle la présomption, elle rend plus facile l’accès à l’indemnisation des personnes qui sont victimes d’une liste de maladie.

« La liste de maladies professionnelles n’a pas été mise à jour depuis 1985 malgré le progrès des connaissances scientifiques sur la question, ce qui crée un grave préjudice aux victimes de maladies qu’on pourrait qualifier de nouvelles. Or, au lieu de procéder à une mise à jour structurée, respectant la façon de faire convenue dans l’entente intervenue en 2017 entre les grandes associations d’employeurs et les centrales syndicales réunies au sein du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM), le gouvernement propose des conditions d’admissibilité et des conditions particulières qui sont en fait des freins à la reconnaissance de la présomption », d’expliquer Luc Vachon.

Principales recommandations de la CSD

  • Maintenir la fréquence minimale du comité de santé et sécurité d’une rencontre tous les trois mois, peu importe la taille de l’établissement ou le niveau de risque ;
  • Augmenter le nombre d’heures libérées du représentant en santé et sécurité au niveau de celui qui est présentement en vigueur ;
  • Revoir l’analyse du niveau de risque en tenant compte des années 2017 et suivantes pour avoir un portrait de la situation plus actuelle ;
  • L’obligation de consulter la santé publique pour l’élaboration du programme de prévention et que le médecin en charge de la santé au travail soit membre du département clinique de santé publique du CISSS pour assurer son indépendance;
  • Mettre à jour la liste des maladies professionnelles selon le processus convenu au CCTM