Ou les revendications syndicales au croisement de deux axes

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Francine Richer, responsable de la formation à la CSD

par Jacqueline de Bruycker

« Comme syndicaliste, notre engagement est de lutter contre la discrimination et pour la promotion de la diversité, notre mission est de traduire concrètement cet engagement dans nos milieux de travail, dans nos syndicats, afin d’assurer à chaque travailleuse, à chaque travailleur l’accès à un travail équitable. »

Responsable de la formation à la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), Francine Richer a fourni aux délégués différents éléments de réflexion, en s’inspirant du travail accompli par la Confédération syndicale chrétienne (CSC) de Belgique en termes de sensibilisation, de formation et de promotion des bonnes pratiques en matière de gestion de la diversité.

« Il y a encore, dans notre société, des groupes de personnes qui ont envie, besoin de travailler et qui, malgré leurs compétences, se voient sans raison d’être refuser un emploi, simplement à cause d’images que nous avons du monde qui nous entoure, en particulier des groupes sociaux, d’une généralisation erronée et rigide. Ces idées, ces attitudes génèrent la discrimination, nous amenant à traiter ces personnes de façon différenciée, inégale, irrespectueuse », a-t-elle mentionné.

Une enquête de l’Observatoire français des discriminations

À titre d’exemple, elle cite l’enquête sur les CV menée en 2004 par l’Observatoire français des discriminations. Les résultats obtenus sont effarants : un candidat handicapé reçoit 15 fois moins de réponses positives que le candidat de référence (homme blanc, nom français, réside à Paris, blanc de peau, apparence standard). Un candidat maghrébin reçoit cinq fois moins de réponses positives, un candidat de 50 ans est nettement discriminé, littéralement écarté de l’embauche, etc. D’autres formes de discrimination sont apparues lors de cette enquête, à titre d’exemple une personne au visage disgracieux a reçu un nombre significativement moins élevé de réponses positives.

Pourquoi ces « oubliés de l’égalité des chances »[1] (cliquer sur lien pour consulter le rapport) sont-ils l’objet de comportements d’exclusion, de repli, de jugement? L’être humain, quel qu’il soit, a un besoin de catégorisation, il veut se définir, se différencier, se situer : homme/femme, jeune/vieux, Québécois/étranger, etc., ce qui lui permet de s’identifier comme membre d’un groupe, d’un « nous ». Mais il est aussi animé par un besoin de protection. Aussi projette-t-il le négatif sur l’autre, pour se protéger, pour conjurer la peur et par un besoin de domination, ce qui le pousse à imposer le « nous » ou à tenir les autres à l’écart.

« Face à l’autre, nous avons trois attitudes possibles. L’assimilation : je t’accepte si tu oublies qui tu es, si tu te comportes et agis comme tout le monde le fait ici. L’insertion : je te tolère, mais tu es quelqu’un de différent de nous et tu le resteras toujours. Et l’intégration : je tiens à mes valeurs, tu veux garder les tiennes, cherchons à vivre ensemble en harmonie », d’expliquer Francine Richer.

L’intégration est la seule voie possible pour un syndicat, dont le rôle dans l’entreprise est de faire respecter les droits des travailleurs et de veiller à l’amélioration de leur bien-être, un rôle qu’il ne peut remplir s’il ne parvient pas à bâtir et à développer la solidarité entre ses membres.

La formation pour éliminer la discrimination

« Nous devons comme syndicat réfléchir à nos pratiques, nous donner des outils, dispenser de la formation pour éliminer toute forme de discrimination et nous aider à bâtir et à conserver un espace de vie démocratique. Les syndicats sont partenaires à part entière de la politique de gestion de la diversité dans l’environnement de travail, nous devons donc négocier avec l’employeur, car s’il faut changer les mentalités, il faut également parfois revoir les procédures et l’organisation du travail pour assurer à tous l’égalité des chances et de traitement. Tous les « autres » sont là à côté de nous, il faut les voir, leur faire une place. Car au-delà des différences, nous sommes tous humains », a-t-elle conclu.


[1] Titre d’un rapport publié par l’Institut Montaigne, Paris,  coécrit par Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie