Deux femmes tappent dans leurs mains

Danone a annoncé, le 6 septembre dernier en conférence de presse, un investissement de 40 millions de dollars à son usine de Boucherville pour la production du yogourt Oikos. La première ministre Pauline Marois, présente à l’événement, a indiqué que Québec contribuera à cette mise de fonds par l’octroi d’un prêt sans intérêt de cinq millions de dollars.

Consolider les emplois existants

Les salariés de l’usine Danone de Boucherville sont, depuis une vingtaine d’années, membres d’un syndicat affilié à la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), aussi ai-je été invité à assister à cette conférence de presse en compagnie du président et du secrétaire du Syndicat des employés de Danone (CSD), André Turcotte et Michel Hébert ainsi que du conseiller syndical Daniel Beauchemin.

L’annonce de cet important investissement dont bénéficiera l’usine de Boucherville, aura d’intéressantes retombées puisqu’il permettra la mise en place de nouvelles lignes de production et aura sûrement un impact positif sur la consolidation des emplois existants.

Mais au-delà de cette annonce, un moment fort de cette journée a été la rencontre que nous avons eue avec Muriel Pénicaud, membre du comité exécutif du Groupe Danone et directrice générale des ressources humaines, sur la vision d’entreprise de la multinationale ainsi que sur le modèle de gouvernance implanté au sein de ses usines a travers le monde.

Le progrès économique durable lié au progrès humain

Pour Danone, il ne peut y avoir de progrès économique durable s’il n’y a pas de progrès  humain, les deux sont étroitement liés, indissociables même. Ce double projet est au cœur même de la culture de l’entreprise.

Animé par la volonté de faire converger l’économique et le social, Danone fait la démonstration qu’à l’heure de la mondialisation de l’économie une entreprise peut être performante, rentable tout en s’acquittant de la responsabilité sociale qu’elle a à assumer envers ses salariés, envers la société dans son ensemble. À la création de richesse à laquelle elle est assujettie comme n’importe quelle autre entreprise, elle a, en effet, décidé de jumeler une fonction sociale, voire sociétale, et l’intégration harmonisée de ces composantes façonne la performance durable de l’entreprise.

André Turcotte président du Syndicat des employés de Danone CSD
André Turcotte président du Syndicat des employés de Danone CSD

Car, selon Danone, une entreprise a la responsabilité de créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes. Si une entreprise ne cherche qu’à maximiser la création de la valeur financière, de la richesse au seul profit de ses actionnaires, elle pratique une gestion de court terme puisqu’elle ne crée pas de la valeur pour ses fournisseurs, distributeurs, clients, consommateurs et évidemment pour ses salariés. Une entreprise ne se développe pas dans un désert, elle n’existe et n’assure sa pérennité que si elle crée de la valeur pour la société.

Un modèle de gouvernance qui favorise des relations patronales – syndicales respectueuses

Le modèle de gouvernance et le style de gestion adoptés par Danone ont permis, à l’usine de Boucherville, le développement de relations patronales – syndicales respectueuses. Ainsi, au cours des années, le syndicat a pu négocier avec l’employeur et obtenu pour les salariés des conditions de travail intéressantes, des emplois de qualité. Ce qui a contribué à créer un climat de travail favorisant les innovations aussi bien organisationnelles que sociales tout en permettant la mise sur pied de différents mécanismes de négociation et de consultation assurant l’épanouissement d’un authentique dialogue social.

L’implication du syndicat, sa détermination à travailler à maintenir et à créer des emplois de qualité, et à assurer leur pérennité, de même que celle de l’entreprise, ne sont pas étrangères à l’important investissement qui vient d’être annoncé par Danone.

La littérature scientifique leur donne raison, nous rappelant que les entreprises qui lient innovations organisationnelles et partenariat sont celles qui affichent les meilleures performances économiques – par exemple qualité, productivité et parfois rentabilité supérieures – et sociales – soit accroissement de la qualification et de l’autonomie des travailleurs. Mais paradoxalement, la participation et le partenariat sont actuellement très peu développés dans les milieux de travail québécois.

Michel Hébert, secrétaire du syndicat de Danone
Michel Hébert, secrétaire du Syndicat des employés de Danone

J’ai rencontré très peu d’entreprises qui partagent la vision de Danone ainsi que les valeurs qui sous-tendent son style de gouvernance, qui tient compte des intérêts de toutes les parties prenantes, et qui, entre autres, est un puissant levier de compétitivité et d’innovation.

Assumer la responsabilité sociale de l’entreprise

Cette approche détonne par rapport au discours couramment servi par la majorité des associations patronales québécoises pour qui le progrès économique est la première préoccupation et n’a que peu à voir avec le progrès humain et social. Le modèle est donc en rupture totale avec l’axe prédominant de la financiarisation de l’économie centré sur le profit, le rendement à court terme pour les actionnaires. Cette financiarisation a créé une culture de résultat et engendré une montée des inégalités, une hausse de la précarité, du chômage. Elle a aussi entraîné une dévalorisation du travail qui n’est pas sans se répercuter sur l’engagement des travailleuses et des travailleurs, ainsi que sur leur droit légitime à obtenir un travail décent.

La culture existant chez Danone, la vision de la direction quant à la pleine assumation de sa responsabilité sociale, son ouverture et sa coopération avec le syndicat s’inscrivent dans la même perspective que celle du modèle prôné par la centrale. Au travers de son histoire, elle a toujours insisté sur le développement de relations patronales – syndicales d’égal à égal et revendiqué la participation des travailleuses et des travailleurs à l’organisation du travail. Sans cette participation, ils ne sont que trop souvent considérés que comme un rouage parmi d’autres, comme une pièce interchangeable.

En terminant, je voudrais d’une part exprimer la fierté de la CSD de compter dans ses rangs le Syndicat des employés de Danone (CSD). Par leur sens de l’engagement, leur clairvoyance, ses dirigeantes et dirigeants, loin d’être complaisants et de n’agir qu’en réaction, n’ont jamais hésité à initier des débats, des discussions sur différents aspects de la vie au travail et toujours avec un objectif: assurer la qualité des emplois tout en favorisant leur pérennité.

D’autre part, à toutes les personnes préoccupées par l’impact des gestes de consommation qu’elles posent, elles peuvent avoir la certitude qu’en achetant un produit Danone, elles paient pour un produit fabriqué par une entreprise qui affiche un niveau de responsabilité sociale élevé. Ce qui lui a permis de mettre en place un environnement et des conditions de travail favorisant l’épanouissement au travail des salariés.

François Vaudreuil

Président de la CSD