L’annonce d’un accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC) tard hier soir n’a rien de bien rassurant pour les agriculteurs ni pour les travailleurs et travailleuses du Québec. Bien sûr, il faudra voir les textes de l’accord avant de se prononcer définitivement mais, de ce qui en a été rapporté, on peut constater que, pour éviter l’application de droits de douane de 25 % sur l’industrie automobile à partir du 1er octobre, le gouvernement canadien a fait de nouvelles concessions sur la gestion de l’offre. Or, la production automobile est essentiellement basée en Ontario alors que la production laitière canadienne est, elle, réalisée à plus de 50 % au Québec.

Si l’ouverture du marché des produits laitiers aux producteurs américains apparaît assez petite avec 3,59 %, il faut aussi se rappeler que le Canada a concédé 3,25 % aux dix autres pays de l’Accord de partenariat transpacifique (PTP) et environ 3 % aux pays de l’Union européenne qui peuvent exporter au Canada davantage de fromages fins sans droits de douane. En peu de temps, il y a donc eu près de 10 % de parts de marché ouverts à la concurrence étrangère. « Comme les fermes laitières fonctionnent 365 jours par année pour satisfaire la demande canadienne, c’est comme si on leur enlevait 35 jours de production puisque les gens ne se mettront pas à boire plus de lait ou à manger plus de fromage pour faire plaisir aux producteurs laitiers », a exprimé le président de la CSD, Luc Vachon.

Et ce ne sont pas les promesses de compensation financière par Ottawa qui ont de quoi rassurer. « D’abord, parce que celles promises dans le cadre du PTP se font toujours attendre, ensuite, parce que les parts de marché seront perdues pour toujours alors que la compensation ne sera versée qu’une fois. Un modèle d’agriculture ne peut être adéquatement défendu par l’Émission d’un chèque », a précisé le président.

En plus, le Canada n’aurait pas réussi à faire inclure l’acier et l’aluminium dans le nouvel accord. Les droits de douane imposés depuis le 1er juin sont donc maintenus (respectivement 25 % et 10 %) et, encore une fois, l’aluminium est une industrie fortement basée au Québec.

Autre concession, les exemptions de taxes pour les produits achetés en ligne aux États-Unis passent de 20 $ à 100 $, ce qui risque d’affecter les emplois dans le commerce de détail ici au pays.

Les compagnies pharmaceutiques obtiennent une protection de dix ans sur les brevets sur les médicaments, de même que sur les données de recherche. Avec pour résultat que le prix des médicaments restera plus élevé plus longtemps puisque les médicaments génériques mettront plus de temps à arriver sur le marché.

« Le nouvel accord ne renferme plus de chapitre permettant aux entreprises de poursuivre un gouvernement quand celui-ci adopte des mesures qui risquent de nuire à leurs profits, ce que la CSD demande depuis belle lurette. En effet, le chapitre 11 de l’ALÉNA et son mécanisme de règlement des différends investisseurs-État a fait en sorte que le Canada soit attaqué 41 fois depuis 1994 par diverses entreprises, surtout américaines. À titre d’exemple, le Canada est actuellement poursuivi pour 250 millions de dollars par Lone Pine Ressources, une entreprise basée aux États-Unis, parce que le moratoire imposé sur l’exploration des gaz de schiste dans l’estuaire du Saint-Laurent lui aurait fait perdre des profits éventuels. Or, ce moratoire vise à protéger le fleuve, la plus importante source d’eau potable au Québec. C’est donc une disparition à saluer » a ajouté le président de la CSD.

Par contre, la faiblesse des protections du chapitre sur le travail contenu dans le nouvel accord ferait en sorte que les délocalisations de production vers les États-Unis et le Mexique sont appelées à se poursuivre.

Le recours État contre État – le chapitre 19 – qui a permis au Canada de contester les décisions du Département du commerce des États-Unis, particulièrement dans le dossier du bois d’œuvre, est par ailleurs maintenu. On comprend donc que pour préserver ce chapitre, le Canada a sacrifié les producteurs laitiers du pays.

Enfin, l’exemption culturelle serait elle aussi maintenue, ce qui nous apparaît une bonne nouvelle pour protéger la télévision, la radio, les magazines et le cinéma d’ici. Si les dispositions sur le commerce électronique – qui visent à lever toute restriction sur celui-ci – ne viennent pas compromettre cette protection.