Luc vachon à la Commission de l'économie et du travail

Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation famille-travail

Le 15 mai dernier, Luc Vachon, président de la CSD, a présenté le mémoire de la CSD sur le projet de loi 176 devant la Commission d’économie et du travail. Ce projet de loi vient modifier la Loi sur les normes du travail (LNT).


Cliquez ici pour visionner la présentation du président de la CSD devant la Commission d’économie et du travail.

Cliquez ici pour consulter le mémoire de la CSD sur le projet de loi 176. 


D’entrée de jeu, précisons que la CSD accueille favorablement le projet de loi 176.

Rappelons que la LNT est entrée en vigueur en 1979. Depuis, trois refontes se sont succédées : la première en 1990, la deuxième en 2002 puis celle-ci, quelque 16 ans plus tard. Le marché du travail et de l’emploi s’est grandement transformé au cours de ces périodes. Dans les circonstances, il aurait été pertinent que ce projet de loi aille plus loin en certaines matières et établisse d’ores et déjà d’éventuelles améliorations en vigueur dans un futur rapproché.

Parmi les avancées du projet de loi, la CSD salue :

  • les deux journées rémunérées pour que les salariés puissent prendre congé pour cause de maladie ou pour raisons familiales;
  • le droit pour les salariés de refuser de travailler si l’employeur ne les a pas prévenus au moins cinq jours à l’avance;
  • la 3e semaine de vacances après trois ans de service continu au lieu de cinq;
  • l’introduction de la notion de proche aidant dans la loi;
  • une conception élargie des « parents» pour lesquelles on peut prendre congé;
  • la prolongation de plusieurs périodes d’absence sans salaire de façon à ce que les salariés ne perdent pas leur emploi quand un drame frappe.

La CSD considère, par contre, que deux mesures auraient dû faire l’objet d’améliorations progressives :

  • les jours de congé rémunérés pour cause de maladie ou pour raisons familiales seront au nombre de deux à compter de 2019. Le projet de loi doit prévoir d’autres ajouts, à coup de deux jours, selon un échéancier déterminé, par exemple aux deux ans, et ce, jusqu’à l’atteinte de dix jours rémunérés.
  • Bien que le projet de loi prévoie déjà une 3e semaine de vacances, il doit aussi ajouter une 4e semaine de vacances accordée, par exemple, après 5 années de service continu. Cette condition doit être analysée sous l’angle des transformations importantes de l’organisation du travail et de ses effets dans la vie des travailleuses et travailleurs et de leur famille.

La CSD dénonce aussi les manques de ce projet de loi :

  • Le projet de loi propose d’augmenter de un à deux jours de congé rémunérés lors du décès d’un parent. Cette mesure, en plus d’être nettement insuffisante, ne coûte pas cher aux employeurs en raison de sa faible fréquence. Pour le décès de son conjoint, de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, le nombre de jours rémunérés doit être de cinq permettant ainsi aux gens endeuillés de ne pas se demander comment ils joindront les deux bouts la semaine suivant le décès. Et, pour le décès de son père, de sa mère, d’un frère ou d’une sœur, le nombre de jours rémunérés doit non pas être de deux mais bien de trois.
  • L’article 8 devrait être retiré du projet de loi. Celui-ci vient en effet assouplir les mesures d’étalement des heures de travail de façon à ce que l’autorisation de la Commission ne soit plus nécessaire dans certaines conditions. Nous sommes d’avis que les salariés non syndiqués, souvent sans horaire de travail fixe, ne seront pas en position de dire non à l’accord proposé par l’employeur. Le résultat? Ils perdront la majoration salariale de 50 %.

Les grandes faiblesses de ce projet de loi concernent les disparités de traitement en matière de régime de retraite et d’autres régimes d’avantages sociaux, les agences de placement de personnel de même que les heures supplémentaires :

  • S’il est adopté tel quel, le projet de loi fera en sorte que les disparités de traitement existantes au moment de son entrée en vigueur deviendront légales, ce que le législateur ne devrait pas accepter. Il doit plutôt prévoir, comme en 1999, qu’une période de négociation doit être accordée de façon à les faire disparaître à l’occasion du renouvellement de la convention collective suivante.
  • Pour ce qui est des agences de placement de personnel, le fait de rendre solidairement responsables l’agence et l’entreprise cliente des obligations pécuniaires à l’égard des salariés est essentiel pour éviter les batailles juridiques interminables visant à déterminer qui est l’employeur. En pratique, elles découragent plus souvent qu’autrement les salariés à réclamer leur dû. Nous avons toutefois des craintes en ce qui a trait à l’applicabilité réelle de l’interdiction de payer moins un salarié d’agence qu’un salarié de l’entreprise cliente. Il sera interdit de donner des conditions différentes « uniquement » à cause de leur statut. Il existe de multiples raisons autres pour contourner cette obligation. Pour que cette interdiction puisse être applicable, il faut minimalement insérer une présomption en faveur du salarié d’agence dans la loi. Il faut aussi que le futur règlement sur les agences de placement de personnel annoncé dans le projet de loi soit conçu par le comité conseil approprié de la CNESST avec l’apport des organisations de défense des salariés, syndiqués ou non. Pour nous, c’est un incontournable.
  • En ce qui concerne la réduction des heures obligatoires quotidiennes qui passe de 4 à 2 heures, bien que cela semble être une amélioration, dans les faits, comme la limite hebdomadaire qui permet de refuser demeure de 10 heures, la résultante est que le salarié pouvait auparavant se voir obliger deux fois par semaine de faire des heures supplémentaires alors que maintenant il pourrait s’y voir contraint à cinq reprises. Pour nous, le salarié qui est resté deux fois dans la semaine pour faire des heures supplémentaires doit avoir le droit de refuser toute autre demande en ce sens de son employeur.

La CSD estime aussi que des changements à la LNT, considérés essentiels, sont restés lettres mortes :

  • La durée minimale du repos hebdomadaire doit passer de 32 à 48 heures, une mesure simple qui favorisera elle aussi la conciliation famille-travail. De plus, une période de repos quotidienne d’une durée de huit heures doit être incluse.
  • L’article 112, qui a été « créé » en 1979, doit être mis en vigueur pour que la Commission des normes du travail puisse verser une somme due par un employeur à un salarié et pour qu’elle puisse agir en son nom par la suite pour récupérer la somme auprès de l’employeur. Dans le cadre actuel, les salariés perdent des sommes importantes parce qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens d’entreprendre les recours eux–mêmes.
  • La LNT doit être modifiée pour établir un droit à une indemnité de départ équivalente à deux semaines par année de service continu, et ce, peu importe qu’il s’agisse d’un licenciement, d’une fin de contrat ou d’une mise à pied. Aussi, comme il est tout aussi dramatique de perdre son emploi dans une très petite entreprise que dans une grande, la notion de licenciement doit être revue pour tout salarié touché puisse obtenir une indemnité, le minimum actuel étant de 10.
  • En terminant, un processus défini de révision de la LNT doit être instauré aux 5 ans, afin d’en assurer une meilleure adaptation aux transformations constantes et particulièrement rapides du marché du travail. Cette révision pourrait faire l’objet d’un rapport de la part de CNESST, par l’entremise de ses comités conseils et transmis à la ministre. Puis, par la suite, un mandat serait confié au Comité consultatif du travail et de la main d’œuvre afin de les étudier et soumettre des recommandations de modifications.