Plusieurs enfants qui se tiennent par la main

En 2012, la CSD célébrait ses 40 ans d’existence, le plus récent numéro du Fureteur CSD rend compte des célébrations et événements spéciaux de cette année bien remplie.

Par Jacqueline de Bruycker

La Centrale des syndicats démocratiques (CSD) occupe une place à part sur l’échiquier syndical québécois. Sa fondation il y a quarante ans a été un geste historique, un geste autant de détermination, de courage que d’audace, elle concrétisait un rêve de milliers de femmes et d’hommes, qui voulaient une centrale syndicale dont ils seraient les propriétaires et qui reposerait sur des valeurs fondamentales comme la primauté de la personne, la liberté, la démocratie, l’autonomie, la solidarité, la justice et l’équité.

C’est en ces termes que le président de la CSD, François Vaudreuil, a ouvert le congrès extraordinaire, qui s’est tenu à Saint-Hyacinthe les 14, 15 et 16 juin 2012, en présence de quelque 355 délégués.

« En remettant la propriété de la centrale entre les mains de ses syndicats affiliés, en les laissant vivre pleinement leur autonomie et exercer un véritable contrôle sur leur avenir tout en leur procurant le soutien et les services dont ils avaient besoin pour grandir et se développer, la CSD a favorisé l’éclosion d’une vie démocratique authentique, dynamisante et l’élaboration d’une action syndicale efficace », a-t-il rappelé en soulignant que ce modèle, différent et innovateur, a inspiré et guidé des générations de militants.

À ce propos, François Vaudreuil a mis en relief le rôle important joué auprès des syndicats affiliés par les membres du personnel, et tout particulièrement par le personnel conseiller, porteur du projet CSD et promoteur des valeurs qui le sous-tendent. « Le premier rôle qu’il a à remplir est d’accompagner les membres des syndicats affiliés tout au long de leur marche vers l’autonomie, de leur permettre d’assumer pleinement et efficacement les différentes fonctions qui leur ont été dévolues, mais en aucune circonstance, il ne doit se substituer à eux », a-t-il souligné.

Une influence marquée

François Vaudreuil a également insisté sur l’influence que la centrale n’avait cessé d’exercer depuis sa fondation, ce qui a généré de nombreuses avancées non seulement pour ses membres, mais aussi pour l’ensemble des travailleurs.

En preuve, il a mentionné diverses interventions récentes menées par la CSD dans l’industrie de la construction, que ce soit, entre autres, pour dénoncer publiquement les pratiques d’intimidation qui avaient cours sur les chantiers, pour réclamer que l’exercice du pluralisme syndical et la liberté de choix soient protégés et sanctionnés sur tous les chantiers du Québec ou encore pour appuyer l’institution d’un fonds de formation des salariés, administré par la Commission de la construction du Québec (CCQ).

« La préoccupation majeure de la CSD était d’éliminer toute discrimination qui empêcherait ou compromettrait l’accessibilité de quiconque à des activités de formation et ainsi de garantir l’égalité des chances de formation pour toutes les travailleuses, tous les travailleurs qui accèdent et œuvrent ensuite dans l’industrie de la construction », a-t-il précisé. Une position qui était loin d’être celle défendue par d’autres organisations syndicales qui, plutôt que de s’appuyer sur des principes directeurs comme l’accessibilité, l’équité, ont préféré les mettre de côté, guidées par la possibilité de retirer quelques avantages comme associations représentatives.

Un autre exemple significatif de l’influence de la CSD, ce sont les négociations menées avec le gouvernement en vue de l’obtention de premières ententes collectives pour ses associations de ressources affiliées dans le réseau des familles et des résidences d’accueil.

« Avec le modèle démocratique, mis en place dès la fondation de la CSD, les dirigeantes et dirigeants de nos syndicats affiliés sont très souvent mieux informés, plus aguerris, s’assurant ainsi une participation éclairée aux différentes étapes du processus de négociation collective. Cette approche a été déterminante et nous a permis samedi dernier, le 9 juin 2012, de décrocher en ce qui touche les ADREQ CSD une entente de principe nettement supérieure à ce que la CSN et la FTQ ont obtenu », d’affirmer François Vaudreuil.

Des syndicats innovants

À l’instar de la centrale, de nombreux syndicats affiliés ont fait leur cette capacité d’innover, de sortir des sentiers battus, d’aller constamment de l’avant. Il a cité en exemple le Syndicat national des employés de garage du Québec inc. (SNEGQ) ainsi que le Syndicat démocratique des employés de garage du Saguenay-Lac-Saint-Jean (SDEG)(CSD), dont les membres bénéficient non seulement des meilleures conditions de travail qui existent dans l’industrie des services automobiles, mais également d’un généreux régime complémentaire de retraite qui leur assure une retraite décente.

Ces exemples témoignent fort éloquemment, selon François Vaudreuil, de l’influence qu’exerce la CSD et de la façon dont elle conçoit l’action syndicale, l’organisation du travail dans une optique résolument démocratique. « Cette idée de démocratisation, c’est l’essence même de l’existence de notre centrale et du sens à donner à nos actions. »

Les leçons du passé

Au sujet de la crise étudiante, qui au cours des dernières semaines précédant le congrès extraordinaire, s’est transformée en une véritable crise sociale, le président de la CSD considère qu’elle doit être analysée en se référant aux leçons du passé. Il a ainsi évoqué, d’une part, la grève générale illimitée des 210 000 employés des secteurs public et parapublic en 1972, à laquelle le gouvernement a répondu par l’adoption d’une loi spéciale forçant le retour au travail et suspendant temporairement le droit de grève dans le secteur public.

D’autre part, la crise de l’automne 2003, alors que le gouvernement Charest a attaqué de plein front les droits des travailleurs en déposant et en adoptant sous le bâillon plusieurs projets de loi aussi odieux qu’iniques, ce qui avait provoqué la mobilisation des organisations syndicales.

« Aujourd’hui, constatant la déchirure sociale que, dans son arrogance, le gouvernement a provoquée, ainsi que la dynamique d’incompréhension qui s’est installée au Québec », ébranlant notre cohésion sociale, c’est le même appel à « un véritable dialogue social que nous faisons au premier ministre, nous lui demandons incessamment de négocier avec les étudiants », a-t-il lancé.

En terminant, François Vaudreuil a averti les délégués du chemin qu’il restait à parcourir. « Ne nous faisons pas d’illusions, les prochaines années ne seront pas sans défis et l’un des plus importants que nous aurons à relever comme organisation sera d’assurer la relève. Il faudra investir efforts et énergies pour que nos valeurs et nos principes continuent de guider des générations de militantes et de militants. Ensemble, nous pouvons le faire, ensemble, nous réussirons une fois de plus ».

« L’audace de vivre ses rêves »

Mot du président, François Vaudreuil

Ce numéro du Fureteur CSD consacre nombre de ses pages aux événements qui ont marqué l’année 2012, tout particulièrement à la célébration du quarantième anniversaire de fondation de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD).

Quarante ans, c’est souvent, pour les personnes comme pour les organisations, le temps des bilans, des retours en arrière pour mesurer tout le chemin parcouru. Le temps aussi des souvenirs, des réminiscences comme ce fut le cas lors du congrès. La présence de plusieurs artisans de la première heure, dont le doyen Arthur Lapointe ainsi que d’anciens dirigeants de la centrale, Jean-Paul Hétu, Jeannot Picard et Robert Légaré, ont fait vivre aux délégués des moments d’intense émotion.

En 1972, sans le courage et la détermination de milliers de femmes et d’hommes, rien n’aurait été possible. Ils ont cru en une autre façon de faire du syndicalisme en voulant  démocratiser davantage l’action syndicale. Portés par une foi inébranlable, non seulement, ils ont cru en leur capacité de changer le cours des choses, mais ils l’ont fait, malgré le peu de ressources dont ils disposaient, malgré aussi les campagnes de dénigrement et de boycottage dont la CSD a été la cible de la part d’autres organisations syndicales, malgré l’étiquette de droite que lui ont  accolée certaines d’entre elles.

Mais, pour reprendre le mot de Jean-Paul Hétu, « la CSD (avait) a une mission prophétique : déranger le mouvement  syndical » et c’est haut la main qu’elle s’est acquittée de cette tâche en favorisant l’émergence d’un nouveau courant syndical, qui a donné un ton nouveau, moins dogmatique, au discours syndical et dont l’impact s’est répercuté à l’ensemble du mouvement.

Quarante ans, c’est aussi un temps d’arrêt pour permettre à chacun d’entre nous d’évaluer l’importante contribution que nous avons apportée à  l’amélioration des conditions de travail et de vie de femmes et d’hommes ainsi qu’à rendre la société plus juste, plus égalitaire.

Quarante ans, c’est également l’occasion d’assumer, de vivre notre fierté d’appartenir à une grande centrale syndicale, bâti sur un modèle unique, différent et innovateur. Les témoignages présentés par des membres de syndicats affiliés lors du colloque qui a suivi le congrès ont contribué à piquer, à éveiller cette fierté chez les plus jeunes délégués et à l’alimenter, la renforcer chez les plus anciens. Aujourd’hui, vous avez plus que jamais des raisons d’être fiers d’appartenir à un syndicat affilié à la CSD et d’y militer.

Au cours des quatre dernières décennies, la centrale a forgé son identité, a développé et peaufiné le projet de démocratisation de l’action syndicale, elle s’est imposée par son discours humaniste, sa vision progressiste et sa capacité d’innovation comme par la souplesse de ses structures.

De profondes mutations

Lors de cette même période, la société québécoise a changé de visage, les milieux du travail et le marché de l’emploi ont, eux aussi, subi de profondes mutations.  Que l’on pense aux différentes  crises économiques, aux accords de libre-échange, à la mondialisation des marchés et à la financiarisation de l’économie ou à des  lois adoptées par le gouvernement concernant la représentativité syndicale aussi bien dans  le monde municipal que dans le réseau de la Santé et des Services sociaux, autant de bouleversements qui ont eu des répercussions directes sur la composition du membreship de la centrale.

À titre d’exemple, en juillet 1972, quelques semaines après le Congrès de fondation, les syndicats affiliés des secteurs du vêtement et du textile affichaient 4 432 membres, soit environ 43 % de l’ensemble des  travailleuses et des travailleurs dont les syndicats avaient joint la CSD. Aujourd’hui, ces syndicats regroupés sous l’égide du secteur textile et vêtement, n’en représente plus qu’environ cinq pour cent.

Un autre exemple, le secteur manufacturier qui, au début des années 1970  s’accaparait d’un peu plus de 30 % de l’emploi total au Québec, ne constituait plus que 12,5 %  en mai 2012. Le membership de la centrale n’a pas été épargné par cette dégringolade.

Dans le même temps, ciblant les salariés en emploi non traditionnel, la CSD a fait des gains intéressants. À titre d’exemple,  elle représente aujourd’hui quelque 5 000 ressources de type familial ou intermédiaires, responsables de résidences ou de familles d’accueil, regroupés au sein d’associations de ressources.

Ces quelques faits témoignent éloquemment des bouleversements que nous avons connus à l’intérieur de nos rangs comme de la nécessité pour la centrale d’organiser de nouveaux syndicats afin d’assurer le rayonnement du projet CSD.

Une écoute attentive

Pour être vraiment à l’écoute des besoins des travailleuses et des travailleurs, elle a bâti et développé une culture de présence auprès des syndicats affiliés, leur procurant les moyens, les instruments, la formation, le soutien dont ils avaient besoin pour assumer pleinement leur autonomie et mener à terme le projet syndical dont ils se sont dotés.

Au côté des travailleuses et des travailleurs, elle s’est battue contre les iniquités, les inégalités aussi bien économiques que sociales, elle s’est battue pour l’émergence d’une société davantage préoccupée du bien commun, axée sur la primauté de la personne. Elle est là pour faire entendre leur voix chaque fois qu’un gouvernement canadien ou québécois a déposé des projets de loi, dénonçant  avec force ceux qui allaient à l’encontre de ses principes, de ses valeurs.

Elle a pris une part active aux grands débats, surtout ceux qui touchaient  des pièces maîtresses de la législation du travail, que l’on pense entre autres aux réformes du Code du travail,  de la Loi sur les normes du travail, de l’adoption de la Loi sur la santé et sécurité du travail, de la Loi sur l’équité salariale ou la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre, communément appelée loi du 1 %.

Aujourd’hui, les femmes et les hommes, membres de syndicats affiliés à la CSD ont le goût d’aller plus loin encore pour que le rêve des fondateurs continue, jour après jour, de se réaliser, de se vivre. Au colloque de l’an dernier, la centrale a lancé une réflexion sur les nouveaux médias de communication, afin d’en faire un élément majeur d’une stratégie visant à renforcer l’approche de proximité  à l’égard de ses syndicats affiliés, des personnes qui y militent et à donner encore plus de portée au projet syndical qu’elle porte.

La capacité d’adaptation et d’innovation que la centrale a démontrée au fil du temps sont de bon augure pour relever les défis de demain. Hier comme aujourd’hui, notre objectif reste le même : offrir à nos membres une organisation qui leur appartienne, qui leur ressemble et au sein de laquelle ils disposent des outils nécessaires pour s’approprier leur devenir.  C’est la responsabilité qui nous incombe, c’est la mission dont nous avons hérité et à laquelle nous n’avons pas le droit de nous soustraire sans trahir le rêve des artisans de la première heure.

François Vaudreuil

Président de la CSD