Image du magazine CSD sur la retraite.

Si la CSD s’est toujours battue avec acharnement pour assurer aux travailleuses et aux travailleurs des conditions de travail leur permettant de vivre décemment, dans la dignité et le respect, leur sécurité financière à la retraite la préoccupe tout autant.

Car même si les dépenses qu’ils auront à assumer à la retraite seront généralement moins élevées, on estime qu’ils auront besoin pour maintenir leur niveau de vie d’environ 70 % de leur revenu annuel de travail. Pour la centrale, s’il s’agit d’une norme acceptable, c’est avant tout un seuil minimal, et pour l’atteindre, les Québécoises et les Québécois doivent pouvoir disposer de régimes de retraite suffisants, et c’est là que le bât blesse!

Dans le système actuel, les sources de revenus à la retraite sont de trois ordres : le Programme de la sécurité du revenu, financé par l’impôt fédéral, le Régime de rentes du Québec et les régimes privés de retraite ou les épargnes personnelles. Pour une personne qui gagne un salaire annuel de 40 000 $, le premier palier remplace environ 15 % du revenu, le second 25 %. Dans cet exemple, les régimes publics représentent donc 40 %.  Mais plus le salaire est élevé, plus le taux de remplacement diminue. Ainsi, pour une personne qui gagne 60 000 $, le taux de remplacement sera autour de 30 %.

Actuellement, comme on le constate dans le Rapport D’Amours, « les régimes publics offrent une très bonne protection pour les revenus les plus bas, cette protection diminuant rapidement avec la croissance des revenus.  Au-delà des revenus les plus bas, soit pour les travailleurs ayant un salaire moyen ou un salaire supérieur à la moyenne, la couverture offerte par les régimes publics doit être complétée par les régimes complémentaires ou par l’épargne personnelle – ou par les deux – afin d’atteindre les objectifs recherchés en matière de sécurité financière. Or, tous les travailleurs n’ont pas, à cet égard, une couverture adéquate ».

C’est la raison pour laquelle la couverture des régimes publics doit être élargie d’autant que l’expérience démontre qu’il s’agit d’un modèle des plus efficaces et qui crée le moins d’inégalité de revenus, en palliant à l’absence d’un régime complémentaire de retraite ou à l’incapacité de ces personnes d’épargner suffisamment pour se garantir une retraite décente.

C’est une des positions défendues par la CSD à la Commission parlementaire des finances publiques, en septembre 2013. Cette revendication s’inscrit dans l’esprit de la résolution adoptée par les délégués lors du Congrès 2013.

Le rapport émis à la suite des consultations menées par la commission est plus que décevant. Tous les parlementaires qui y ont participé ont raté l’occasion qui leur était offerte d’améliorer notre système de retraite.

Pour la CSD, le diagnostic est clair : le système actuel est inopérant. Il faut le corriger, le modifier, le plus rapidement possible, afin d’éviter que ne se perpétuent les inégalités. L’urgence d’agir est indéniable. Un article paru en octobre dernier dans le quotidien La Presse a de quoi convaincre les plus sceptiques quand on lit que « 84 % des Canadiens de moins de 35 ans font face à un grand niveau de stress relativement à leurs finances » ou que « 46 % des baby-boomers québécois s’inquiètent de leur capacité à assurer leur sécurité financière à la retraite. C’est 20 % de plus qu’avant la crise économique qui a commencé en 2008 ».

Dans ce contexte, la centrale presse le gouvernement du Québec d’agir le plus rapidement possible, soit en instaurant la rente longévité, recommandée dans le Rapport D’Amours, mais de la verser non pas à partir de 75 ans, mais de 70 ans, soit en bonifiant le Régime des rentes du Québec.

L’objectif est d’offrir à toutes les travailleuses et tous les travailleurs une meilleure sécurité financière à la retraite, ce qui cadre pleinement avec les principes que la centrale défend, avec les valeurs qui sont ses assisses. Au nom du bien commun, au nom aussi de l’équité intergénérationnelle, le gouvernement se doit d’agir et de favoriser la mutualisation des risques liés au vieillissement pour l’ensemble de la population. Il ne peut ni ne doit en être autrement.

François Vaudreuil

Président de la CSD

Alors que certains démagogues ont profité de la campagne électorale municipale pour casser du sucre sur le dos des syndiqués – et sur leurs régimes de retraite supposément trop généreux – il demeure primordial de replacer le débat sur la sécurité financière à la retraite, ou plutôt sur l’absence de sécurité financière pour plus de la moitié de la population.

Car il ne faut pas oublier que seulement 27 % de la population active du Québec « présente un potentiel élevé d’atteinte d’un niveau adéquat de remplacement de revenu à la retraite », selon les données mêmes de la Régie des rentes du Québec (RRQ)[i]. C’est donc près des trois-quarts de la population active qui rencontrera des difficultés financières à la retraite allant de moyennes à majeures. Pire, le Rapport D’Amours[ii] faisait le constat que 47 % des travailleurs québécois ne participent à aucun régime collectif, peu importe sa forme, et qu’à l’heure actuelle, ils doivent littéralement ne compter que sur les régimes publics et sur leurs propres moyens.

Selon la CSD, il faut se préoccuper de ces personnes en premier lieu. Et la proposition du rapport D’Amours de créer la rente longévité, bien que questionnable quant à l’âge d’accessibilité, présentait plusieurs des conditions essentielles pour assurer la sécurité financière à la retraite.

C’est pourquoi la CSD s’est montrée plutôt favorable à la rente longévité en commission parlementaire, le 20 août 2013, mais très défavorable aux régimes volontaires d’épargne-retraite (RVER) quelque 15 jours plus tard, le 6 septembre dernier, demandant même au gouvernement de carrément mettre de côté le projet de loi 39 qui vise à les instituer.

Selon notre analyse, les RVER (voir l’encadré) seront un piège pour les épargnants plutôt qu’un élément leur permettant d’épargner suffisamment en vue de la retraite. D’abord et avant tout parce que les employeurs n’auront pas l’obligation de cotiser si le salarié décide de cotiser à un RVER. Et si l’employeur a un jour décidé de cotiser pour ses salariés, il pourra en plus cesser à tout moment de le faire. Comment bâtir un capital de retraite dans ces conditions?De plus, comme le salarié sera le seul à cotiser, le peu de rendement sur ses épargnes sera amputé par les frais de gestion imposés par les compagnies d’assurance, les sociétés de fiducie ou les gestionnaires de fonds d’investissement qui sont les seuls autorisés par la loi à offrir des RVER. Ces frais de gestion sont en moyenne de 2 à 2,5 % pour les régimes individuels contre 0,3 % en moyenne pour les régimes à prestations déterminées et 0,2 % pour la RRQ[iii].C’est donc dire que si les RVER réussissaient à générer du rendement, celui-ci serait grandement amputé par les frais de gestion des administrateurs de régime qui au bout du compte risquent d’être les seuls à pouvoir vraiment profiter des RVER. Une différence de 2 % dans les frais de gestion sur les sommes placées se traduit au final par une perte de 37,3 % de l’épargne-retraite accumulée, ce qui diminue gravement le potentiel de revenu de retraite, selon un spécialiste des dossiers de retraite à l’OCDE[iv]. Principales dispositions du projet de loi 39 Les entreprises comptant cinq salariés ou plus et n’offrant pas déjà un régime de retraite, un REER[v] collectif ou un CÉLI[vi] seront obligées de choisir le RVER à offrir à leurs salariés, de tous les inscrire à un RVER et d’effectuer les retenues à la source des cotisations de leurs salariés, qu’elles transmettront à l’administrateur du RVER; Cet administrateur ne peut être qu’un assureur, une société de fiducie ou un gestionnaire de fonds d’investissement. L’administrateur d’un RVER devra être titulaire d’une autorisation de l’Autorité des marchés financiers; L’employeur ne sera pas tenu de cotiser et, s’il le fait, il peut modifier la cotisation qu’il s’est engagé à verser. S’il cotise, sa cotisation sera immobilisée. Les cotisations du participant seront non immobilisées et déduites du revenu imposable. Le taux de cotisation sera établi par défaut, mais le salarié pourra le faire changer et décider de son taux de cotisation au régime, qu’il pourra modifier en tout temps par la suite, y compris en le fixant à 0 %; Les salariés ayant fait l’objet d’une adhésion automatique auront 60 jours pour renoncer à participer au RVER; La Régie des rentes du Québec sera chargée de la surveillance des RVER.

Le gouvernement du Québec, bien que minoritaire, recueille ici l’appui des partis d’opposition et va de l’avant rapidement avec l’adoption des mesures volontaires du projet de loi 39 qui vont créer une illusion de protection sociale. Il se montre ainsi très sensible au discours patronal voulant que les employeurs ne peuvent plus supporter une hausse de cotisation si minime soit-elle parce que cela nuirait à leur compétitivité à l’échelle internationale, donc au développement de l’emploi au Québec. Il ne faudrait surtout pas brusquer le patronat et lui imposer des charges supplémentaires, il va réussir à s’auto-discipliner si de bonnes mesures volontaires lui sont offertes… On connaît la rengaine, sauf qu’on sait aussi que c’est faux : jamais les employeurs ne sont  pour la création de programmes sociaux, à chaque fois, ils prétendent que la faillite les attend.

Il existe pourtant une option pour le gouvernement s’il veut démontrer qu’il est réellement préoccupé par la sécurité financière à la retraite : la rente longévité proposée par le comité D’Amours.

Son ajout aux régimes publics existants ferait faire un pas de géant vers la sécurité financière de tous les travailleurs. Avec la création de la rente longévité, payable à partir de 70 ans, selon ce que la CSD recommande (plutôt que 75 ans), à terme, le taux de remplacement du revenu passerait de 40 à 60 % pour qui gagne autour du salaire industriel moyen, ce qui constituerait un progrès énorme par rapport à la situation actuelle.

Comment fonctionnerait la rente longévité?Imaginons qu’elle soit instaurée à compter du 1er janvier 2014. Chaque année de cotisation donnerait droit à une rente longévité de 0,5 % de son salaire moyen, jusqu’à un maximum de 20 %. C’est donc dire que ce n’est qu’après 40 ans de mise en vigueur que la rente paierait tous ses fruits. Et que quelqu’un qui prend sa retraite prochainement ne toucherait que très peu de rente. Par exemple, si quelqu’un prend sa retraite en 2017, il n’aura cotisé que deux ans et quelques mois, ce qui lui rapportera une rente d’un et quelque pourcent. Par contre, en 2054, la rente ajoutera 20 % au taux de remplacement du revenu toujours pour quelqu’un qui gagne le salaire industriel moyen.Les experts du comité D’Amours ont évalué qu’un taux de cotisation de 3,3 % du salaire permettrait d’avoir un régime totalement capitalisé, ce qui éviterait de devoir hausser les cotisations dans un avenir prévisible.Les employeurs seraient obligés de cotiser au même taux que les travailleurs, c’est ce qu’on appelle la double cotisation, qui fait croître l’épargne beaucoup plus rapidement que n’importe quel placement, à l’abri du risque en plus. La double cotisation est aussi une belle façon de rendre concrète la responsabilité sociale des employeurs à l’égard de la retraite; c’est donc dire que le taux de cotisation de 3,3 % est séparé à parts égales de 1,65 % chacune.En créant un régime qui s’applique à tous les travailleurs, le risque longévité est partagé entre tous et toutes, ce qui fait que personne ne risque de survivre à ses épargnes et de finir ses jours dans l’indigence. Grâce à la rente longévité, l’épargne individuelle accumulée devra surtout servir entre l’âge de 65 ans (âge normal de la retraite) et de 75 ans (âge du début du versement de la rente longévité), ce qui limite les besoins d’épargner sur une base individuelle.Enfin, la rente longévité serait gérée par un organisme public, la RRQ, réputé pour ses frais de gestion minimes qui ne viennent pas gruger l’épargne des gens (même pas 0,2 % par rapport à 2 à 2,5 % pour les fonds de placement, par exemple).
Pourquoi la CSD recommande que la rente longévité soit versée à 70 ans plutôt qu’à 75 ans?Tout simplement parce que l’espérance de vie à la naissance diminue à mesure que le niveau de défavorisation augmente. Autrement dit, plus on est pauvre, moins on vit longtemps. Chez les hommes, c’est particulièrement tranché : un homme avec le niveau le plus élevé de défavorisation matérielle et sociale a une espérance de vie de 72,4 ans contre 80,5 ans à l’autre bout du spectre.Si la rente longévité n’est payable qu’à compter de 75 ans, c’est donc dire que les plus défavorisés auront beaucoup plus de « chances » de cotiser toute leur vie pour une rente longévité qu’ils n’auront pas l’occasion de toucher. C’est pourquoi nous avons demandé à la RRQ de refaire les calculs pour une rente payable à compter de 70 ans.

[i] RRQ, Portrait du marché de la retraite au Québec, 2e édition, 2010, pages 57 à 60.

[ii] Pages 2 et 37 du Rapport D’Amours. On le surnomme Rapport D’Amours parce que le comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois qui en est l’auteur, était présidé par Alban D’Amours, ancien président et chef de la direction du Mouvement des caisses Desjardins. Le titre du rapport est Innover pour pérenniser le système de retraite. Un contrat social pour renforcer la sécurité financière de tous les travailleurs québécois, 2e trimestre 2013, 219 pages.

[iii] Lefrançois, M., M. Saint-Onge et E. Couturier, Système de retraite au Québec et au Canada : constats et solutions, Rapport de recherche de l’IRIS (Institut de recherche et d’informations socio-économiques), mars 2013, page 23; selon les données du Morningstar Fund Research de mai 2009. Le Canada se classe bon dernier de 16 pays pour les frais de gestion de fonds mutuels selon ces données.

[iv] Whitehouse, E., Canada’s Retirement Income Provision : An International Perspective, Graphique 15, 2009, pages 31-32.

[v] REER = Régime enregistré d’épargne-retraite.

[vi] CÉLI = Compte d’épargne libre d’impôt.