Par Jacqueline de Bruycker

« Depuis des décennies, l’action syndicale a permis l’obtention de droits nouveaux pour les travailleuses et les travailleurs, mais chaque fois ils ont été acquis de haute lutte. C’est pourquoi nous nous devons d’être fiers non seulement d’être syndiqués, mais aussi d’appartenir à cette grande centrale syndicale qu’est la CSD. »

Par ces quelques mots, le président de la CSD, François Vaudreuil, a donné le ton au colloque qui a pris l’affiche les 9 et 10 novembre 2012 à Trois-Rivières. Sur le thème de La fierté d’être syndiqués… à la CSD. Il s’inscrivait ainsi dans la foulée du Congrès extraordinaire de juin 2012, qui marquait le 40e anniversaire de fondation de la centrale.

S’adressant aux quelque 300 délégués, François Vaudreuil a d’abord rappelé que l’action syndicale s’organise quand des femmes et des hommes décident de se regrouper dans leur milieu de travail, de sortir de l’isolement des rapports individuels et d’établir des rapports collectifs. « Cette action syndicale ne peut s’orchestrer que dans une société démocratique, une société de droits. C’est l’exercice de la liberté syndicale qui nous permet de nous regrouper, de défendre nos droits et de négocier collectivement

Mais l’exercice de ce droit a toujours été contesté par une majorité d’employeurs animés par la seule préoccupation du profit, au point de faire craindre un retour au capitalisme sauvage avec tous les abus, toutes les dérives qu’il charrie. C’est aussi le message véhiculé par les associations patronales.

Une situation alarmante

Si, pour le moment, les syndicats canadiens, québécois ne s’en sortent pas trop mal, c’est loin d’être le cas pour ceux de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie dont les membres se sont vus imposer des programmes d’austérité par le Fonds monétaire international (FMI) « Des programmes d’austérité, ça signifie des coupures de salaire excessivement importantes, des coupures dans les programmes sociaux, ce sont des taux de chômage exorbitants, c’est l’appauvrissement de tout un peuple », explique le président de la CSD.

La situation qui, dans le courant de la mondialisation de l’économie, inquiète fortement les syndicats de l’Europe du Nord, entre autres de la France, de la Belgique, de l’Allemagne, comme François Vaudreuil a pu le constater lors de la rencontre du Conseil général de la Confédération syndicale internationale (CSI), à laquelle il a participé fin octobre – début novembre, à Amman, en Jordanie.

Lors de cette rencontre, il a également été question des stratégies utilisées par le patronat auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour tenter d’affaiblir la portée des conventions internationales favorables aux travailleurs et à leurs organisations syndicales. Une des cibles visées par le patronat est le retrait de la reconnaissance du droit de grève, établi à partir de la Convention 87. Il conteste ce droit parce qu’il établit un meilleur rapport de force entre employeurs et salariés, assurant à ces derniers une protection accrue tout en leur permettant d’améliorer leurs conditions de travail.

La CSI a donc décidé de mener bataille à l’OIT pour conserver la reconnaissance du droit de grève dans l’interprétation des conventions internationales et d’en faire une priorité.

« Le taux de syndicalisation à travers le monde oscille autour de 7 % – 8 %, aussi quand la CSI se présente à l’OIT, des représentants d’employeurs ont commencé à dire que la confédération ne représente plus qu’une infime partie des salariés, et qui plus est, des salariés qui proviennent de la vieille économie, de là à questionner son caractère représentatif, il n’y a qu’un pas… que certains n’hésitent pas à franchir », poursuit-il.

Les syndicats brassés

Ce courant qui se propage un peu partout à travers la planète n’épargne ni le Canada, ni le Québec, loin s’en faut. Il en veut pour preuve le projet de loi C-377 du gouvernement Harper. S’il est adopté, il obligera chaque syndicat à divulguer de façon détaillée l’usage qu’ils font des cotisations de leurs membres en publiant, dans leurs états financiers, les détails de toute transaction supérieure à 5 000 $. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur les relations du travail au Québec, risquant notamment d’entraîner un déséquilibre du rapport de force entre employeurs et syndicats.

Il y a aussi la croisade menée par les grands ténors de la droite, le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des Chambres de commerce du Québec, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, en faveur d’un vote obligatoire au scrutin secret après le dépôt d’une requête en accréditation. Une autre façon d’affaiblir le syndicalisme.

« Nous sommes des femmes et des hommes de conviction qui luttons quotidiennement pour que tous nous puissions vivre dans la dignité, pour que nos milieux de travail soient plus justes, plus égalitaires. Chaque geste que nous posons comme syndicalistes, et il n’y a pas de petits gestes, contribue à améliorer la vie de nos collègues, à améliorer la société. Ce n’est pas rien, nous devrions en être fiers, fiers d’être syndiqués », estime François Vaudreuil.

Comme membres de syndicats affiliés à la CSD, cette fierté devrait être plus grande encore. « L’objectif de la création de la centrale était la démocratisation de l’action syndicale et nous n’y avons jamais dérogé. Elle est, aujourd’hui encore, la seule organisation syndicale qui maintient un lien constant avec tous les syndicats qui ont joint ses rangs. En effet, chaque année, elle les rencontre que ce soit lors d’un congrès ou d’une assemblée plénière, pour décider de son fonctionnement comme des orientations et des décisions à prendre. »

Dans la perspective d’une toujours plus grande démocratisation, la CSD a, au fil des années, mis en place différents mécanismes. Qu’il s’agisse de règles de procédure facilement compréhensibles, un soutien financier aux petits syndicats pour favoriser leur participation aux instances, l’interdiction pour un conseiller syndical d’interférer dans le processus électoral des dirigeants, la régionalisation des services, l’autonomie des syndicats affiliés, l’indépendance de la centrale vis-à-vis les pouvoirs politiques et financiers, etc. « Jamais vous ne trouverez une autre organisation syndicale qui vous donne autant de garanties d’un fonctionnement démocratique », lance François Vaudreuil.

Et du même souffle, il ajoute que « la CSD a traversé quatre décennies, elle a résisté aux différents courants, aux différentes modes pour se centrer sur ce qu’elle a de plus précieux : les valeurs. Aujourd’hui, nous avons tous la responsabilité de faire partager le projet syndical de la CSD au plus grand nombre possible de personnes ».